mercredi 23 décembre 2020

Adieu à Alain-Pierre Schmid, notre marin des Antipodes

 Alain-Pierre Schmid est décédé à Nouméa le 16 décembre 2020.

Olivier Devergne a rassemblé pour nous les témoignages de Michel Dherbey, Michel Perret et Michel Tardieu, et il écrit :
 
" Ces hommages que nous nous efforçons de rendre à nos camarades qui nous font la mauvaise blague de partir avant nous, sont pour nous tous l'occasion de découvrir ou redécouvrir des personnalités attachantes.
Et nous regrettons d'être passés à côté.
 
Le départ d'Alain-Pierre, c'est « la découverte aussi d'un vrai réseau de vieilles amitiés et de solidarités exemplaires jusqu’à ses derniers jours, qui s’est épanoui malgré les distances » comme l'a écrit Jean-Pierre Richard après avoir lu les échanges que nous avons eus, avec, notamment, nos camarades qui ont écrit pour Alain-Pierre.
 
La vie de notre promotion est parsemée d'histoires d'amitiés fortes, forgées dès la prépa, à l'école et aussi après, lors des occasions créées pour nous retrouver."
 
Olivier Devergne
 
 
" Alain-Pierre nous a quittés le 16 décembre 2020. Il est décédé à l’hôpital de Nouméa où il était soigné pour une longue maladie.
Ses proches copains HEC sont restés constamment en relation téléphonique et visio toutes les semaines au cours de ces derniers mois : Michel Perret, Henri Jacquand, Michel Tardieu. Nous avons tous échangé avec lui en début de semaine.
 
J’ai fait sa connaissance en 1962, en épice au lycée Ampère à Lyon. Il y avait Michel Perret et Jean-Pierre Roy entre autres.
Il était mon trésorier au Ski-Club à HEC. Nous avons beaucoup de souvenirs en commun à cette époque, avec Alexandre Trillard, Olivier Netter, Alain Braslavski et les Coupes Mercure à Chamonix.
 
Il fait son service militaire dans la marine. Une fois officier, il devient aide de camp de l’Amiral commandant les forces du Pacifique. Il rencontre sa femme Jocelyne là-bas. Ils ont deux enfants, Sandra, avocate, et Erwan, qui dirige une entreprise de transport. Jocelyne est décédée il y a trois ans. Ses enfants vivent à Nouméa.
 
Nos chemins se sont souvent croisés. Lorsque j’étais au Cambodge, Alain, expert-comptable, exerçait à Nouméa. Lorsque je suis parti à Nouméa, Alain s’est établi à Tahiti.
Lorsque j’ai quitté la Nouvelle-Calédonie, Alain est retourné à Nouméa où il a fait partie de l’équipe dirigeante du Groupe Pentecost, le second grand « Petit Mineur » en taille du territoire, après le Groupe Lafleur.
 
Il venait régulièrement en été en Métropole. Il était présent lorsque la promo a visité le porte-avions Charles de Gaulle il y a quelques années.
 
Il a conservé un ancrage lyonnais : nous déjeunions à la Croix-Rousse avec Michel Perret.
Il me rejoignait lors de réunions du Lions Club auquel nous appartenons tous les deux, lui depuis plus de de trente ans. Il a notamment été Past-Gouverneur de Nouvelle-Calédonie et a occupé d’éminentes fonctions dans le Pacifique Sud. Il aimait voyager aux Fidji, en Nouvelle Zélande, en Australie où il rencontrait ses pairs. Il était un collectionneur de timbres passionné: Vice-Président International Philatélique au Lions.
 
Il était très à l’aise en public et savait capter l’attention des participants.
A Paris ou au Brusc, il rendait visite à Henri Jacquand.
J’appréciais son entrain, sa bonne humeur, son sourire, sa cordialité, son amitié.
Sa présence, aussi, malgré la distance. Nos échanges téléphoniques étaient réguliers.
 
Il me manque déjà."
 
Michel Dherbey
 
 
"Alain vient de nous quitter ; il s’en est allé rejoindre Jocelyne décédée en 2018.
Avec Michel Dherbey dont il était très proche également, nous avons longuement philosophé sur les fins de vie aujourd’hui.
La Faculté ne guérit pas, elle prolonge. Le corps humain est un peu comme le Meccano de notre enfance. Vous construisez un pont. Et puis un jour, un écrou tombe, puis un second, puis un troisième. Et pendant que la Faculté tente de remettre le premier en place à son tour un quatrième se met à branler et ainsi de suite et un jour, le pont d’effondre. Chez l’humain, l’organisme hisse le drapeau blanc. C’est exactement ce qui s’est passé avec Alain.
 
Je l’avais eu au téléphone deux jours avant sa mort. Il était soulagé que son ordinateur n’ait pas été endommagé (verre d’eau renversé sur le clavier). Sur mes conseils, il avait demandé à son fils Erwan de lui acheter un disque externe, et il devait venir le lui installer. Bref, il avait des projets et deux jours plus tard la Camarde frappait à sa porte !
 
Nous nous étions connus en Épice, au Lycée Ampère à Lyon à la rentrée de 1961. Carré, il fut notre Z. En première année, il habitait rue des Dames à deux pas de l’École et son appartement facilita grandement nos contacts avec les JF ainsi qu’avec les jeunes américaines du Centre Culturel du boulevard Raspail.
La traversée des États-Unis, l’été 1965, scella définitivement notre amitié. À ce road movie participaient également Henri Jacquand et Jean-Pierre Roy, (décédé en 1997).
Nous dormions dans une remorque avec deux bat-flancs et il était mon room mate.
 
Bien que Suisse par son père, ce n’était pas un accro de la savonnette. Je le revois dans sa piaule de la MDE humer avec délectation les effluves qui sourdaient de ses chaussettes, et déclarant qu’elles tiendraient encore bien quelques jours. Quant aux trois douches hebdomadaires que nous octroyait l’École, une seule lui paraissait amplement suffisante.
 
Parti faire son service militaire dans la Marine à Nouméa, il y rencontra Jocelyne et ne revint jamais en France. Officier chiffre, il profita du temps libre que lui octroyait l’armée pour passer son Expertise Comptable et c’est dans ce secteur d’activité qu’il exerça la majeure partie de sa carrière, entre Singapour et Papeete.
 
Sang Suisse oblige, il dissimulait sous son aspect un peu avachi (un peu Cémoi !) une redoutable intelligence, dont certains de ses interlocuteurs professionnels s’en rendirent compte un peu trop tard.
 
Très impliqué dans la vie du Lion’s (45 annuités !), il était Vice-Président de plusieurs groupes dont celui de la philatélie. Pour un oui ou pour un non, il sautait dans un avion pour Djakarta ou Sydney (avant le covid, bien
sûr !).
 
La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était en octobre de l’an dernier, où nous avions partagé deux repas (deux Cènes) dont l’un(e) avec Michel Dherbey et je peux vous garantir que ni le bouillon de poireaux, ni les carottes bouillies, ne figuraient au menu de nos agapes.
 
Il laisse derrière lui une fille Sandra et un fils Erwan.
 
Portez-vous bien tous."
Michel Perret
 
 
"Olivier a raison, nous entrons dans des zones de turbulences où nous sommes attaqués et qui emportent ceux que nous aimons, ne nous laissant que des souvenirs heureusement réconfortants.
 
Alain-Pierre était de ceux que je voyais peu, puisque son éloignement à Nouméa lui avait fait choisir une vie à distance.
Mais je le voyais avec plaisir lors de ses séjours à Paris, à travers ses très proches amis Lyonnais, Michel Perret et Henri Jacquand.
 
Je me suis lié à ce groupe Lyonnais dès la rentrée de 1964 à la suite du stage ouvrier en kibboutz partagé avec Michel Perret. Dès lors, tel un intrus, je suis devenu partie prenante de nombreuses festivités qu'initiaient, avec Michel Perret, Alain-Pierre Schmidt et Jean-Pierre Roy.
 
Alain-Pierre a toujours été particulièrement amical et fidèle, heureux de vivre et d'être entouré. Je garde l'image de son sourire éclatant à chaque fois que je le voyais, et de nos chahuts facilités par un humour à toute épreuve.
 
Ces liens du temps de Malesherbes ont été renforcé par les quelques semaines partagées à Toulon et aux Bormettes, lors de nos débuts comme EORIC, où nous avons souvent trompé l'ennui de la caserne par de longues parties de bridge et des discussions sans fin. Il en est sorti parmi les mieux classés, ce qui lui a permis de choisir le poste de Nouméa qui a déterminé sa vie.
 
Je suis heureux d'avoir pu lui parler au téléphone il y a quelques semaines, un jour où il se sentait mieux, mais il restait bien lucide de l'accumulation d'ennuis qu'il endurait à l'hôpital.
 
Il a rejoint son épouse, partie un peu avant lui, et a cessé de souffrir.
Il restera toujours ce sourire bienveillant et cette gaité des temps heureux."
 
Michel Tardieu 
 
 
 
Mise à jour du 26 décembre 2020
 
Michel Perret a reçu le récit des funérailles de Alain-Pierre par sa fille Sandra.

Elle écrit :

" Bonjour Michel,

Nous avons dit au revoir à Papa avant-hier.
Vos fleurs sont arrivées à bon port et à temps.

Pendant deux jours, il a été entouré de très nombreux amis, de la famille de Mam, devenue la sienne, et de tous ceux qui ne pouvaient être physiquement présents - famille, amis - mais qui l'ont accompagné en pensée.
Deux journées belles et bouleversantes, pleines d'amour et d'amitié.
Il a certainement beaucoup aimé ; ça avait de la gueule : les réservistes de la Marine étaient venus le veiller en uniforme, accompagnés de sublimes drapeaux de cérémonie, dont deux portés par des anciens combattants. Le lendemain, ses amis Lions l'ont accueilli dans la chapelle sous les applaudissements en formant une haie d'honneur ; ils avaient délégué l'un d'entre eux, un ami proche, pour lui rendre un vibrant hommage, vraiment très beau. Erwan a eu le courage de dire tout l'amour que nous portions à notre père, moi je n'ai fait que le tenir par la taille ou lui serrer la main.
Mon père était aimé. Il est parti avec ses insignes et son écharpe de lion rugissant. Dans son cercueil, nous avons laissé une photo de lui et de Mam, et ta lettre..., ta lettre tellement émouvante et drôle. Merci Michel.

Sandra "