Le 10 décembre
2022, Olivier Devergne nous a fait part du décès de notre camarade Patrick
Festy le 7 décembre 2022 :
« J’ai le
regret de vous apprendre le décès de notre camarade Patrick Festy qui fut un
grand démographe, directeur de l’INED, et que j’ai connu à l’école un peu, nous
nagions ensemble, c’était un garçon agréable et très secret.
Amitiés »
Olivier Devergne
Proche de Patrick depuis toujours, Christian Vulliez nous a livré
son témoignage :
« Cher Olivier,
Je viens d'apprendre le décès de Patrick FESTY dont l'annonce ne
m'a malheureusement pas surpris.
Depuis plus d'une dizaine d'années, il était atteint d'une maladie
hématologique rare. Il l'a supportée avec la pudeur que je lui ai toujours
connue, et lui a opposé une lutte d'un courage ininterrompu.
Notre amitié complice et discrète était née sur les bancs de l'École.
Elle s'était poursuivie à la "Maison des Élèves", étant tous deux
provinciaux. Elle s'était enrichie par notre co-pilotage de la Plaquette HEC
1965 dont le thème était « l'Industrie Culturelle », dans laquelle
plusieurs membres de notre promotion avaient écrit. Puis, lors de stages et de
séjours à l'étranger dans des pays improbables.
Nos vies personnelles et professionnelles, assez engagées et
ardentes, nous ont parfois éloignés sans jamais distendre ni rompre notre
relation amicale qui a perduré jusqu'à ces dernières semaines.
Il avait fait le choix de devenir expert en démographie, science
qui l'avait toujours passionné.
Il devint un des français les plus reconnus en tant que
représentant éminent de « l'École démographique française », distinguée
dans les plus hautes sphères internationales de cette discipline. Il fut
ensuite nommé Directeur de l'Institut National des Etudes Démographiques (INED)
à Paris.
Sa vie personnelle, sur laquelle il était très pudique, avait connu
des périodes douloureuses.
Au cours des récentes décennies, il avait retrouvé une relation
confiante et affectueuse qui l'avait certainement beaucoup soutenu et aidé dans
son combat contre la maladie.
Ceux qui l'avaient connu avant moi, en particulier au Lycée
Masséna de Nice, m'ont souvent parlé des nombreux talents dont il était pourvu,
tant sur les plans intellectuel que sportif.
Pour moi, ceux-ci étaient inhérents à notre complicité !
Nous nous sommes vus en Juin dernier une dernière fois. Depuis
lors, nous avons échangé téléphoniquement à diverses reprises et j'ai
douloureusement éprouvé les étapes de l'échéance qui se rapprochait.
Que tous ceux qui l'ont connu, à des titres divers, n'oublient pas
cette riche personnalité ! »
Christian VULLIEZ
Jean-Noël Maisondieu nous a envoyé son souvenir de ses années d’École :
« Je
garde un très bon souvenir de Patrick.
On s’était
connus en prépa à Nice, il avait intégré dès la première année.
Il était
effectivement très discret, mais cachait derrière sa modestie une surprenante
capacité intellectuelle : lors d’un test de mathématiques à notre arrivée
boulevard Malesherbes, il avait fini son test en deux heures quand la plupart
des autres ne l’avaient pas terminé en quatre heures !
Je crois me
souvenir qu’il avait été major du premier trimestre de la première année.
Je l’avais
entraîné dans une licence de sociologie et m’était découragé en lisant
Durkheim.
C’était pour
lui d’une facilité déconcertante et je ne suis pas surpris qu’il ait fait une
belle carrière.
Quand on
sortait des cours et que tout le monde allait acheter Le Monde, lui ressortait
toujours avec son journal l’Équipe.
On ne s’est
jamais revus, mais je garde un excellent souvenir de son intelligence et de sa
simplicité. »
Jean-Noël Maisondieu
En décembre 2022, l’Institut National d’Études Démographiques
(Ined) a publié l’article ci-dessous :
« La démographie de la
famille perd l’un de ses membres.
Patrick Festy nous a quitté le 7 décembre 2022. Il fut directeur de l’Ined
de 1995 à 1998. Patrick Festy était un intellectuel dans le meilleur sens du
terme, que l’austérité de la discipline démographique n’effrayait pas et,
peut-être même, séduisait.
Né avec l’Ined en 1945, Patrick Festy y est entré en janvier 1969. Ancien élève
de HEC, il est aussi licencié ès lettres, docteur d’Etat en économie et bien
sûr expert démographe. Sa thèse, qui donnera lieu à un ouvrage de référence
paru dans la collection Travaux et Documents de l’Ined, est consacrée à
l’évolution de la fécondité de pays occidentaux de 1870 à 1970. L’étude de la
conjoncture démographique va de fait occuper toute la première partie de sa
carrière. Il est d’abord responsable de l’unité de recherche Conjoncture II
puis chef du département de Démographie générale contemporaine. En tant que
rédacteur en chef de la revue Population (1989-1995), il sera l’auteur
de plusieurs rapports au Parlement sur la situation démographique de la France.
Sous sa conduite, Population poursuivra sa mue vers une revue
internationale, par ses auteurs et par son lectorat.
Patrick Festy fut un grand chercheur. Dans les années 1970, alors que la
recherche privilégie l’exploration des déterminants individuels des
comportements démographiques, il s’intéresse aux facteurs contextuels de ces
comportements, et plus particulièrement, à l’effet du droit sur les
comportements familiaux. Les liens qu’il noue alors avec Louis Roussel, qui
parle de « désinstitutionalisation » pour décrire les évolutions du mariage et
du divorce, l’orientent dans la direction d’associer entre elles les deux
disciplines rigoureuses que sont le droit et la démographie. Il les fait
dialoguer autour de l’étude du divorce, en France et en Russie. Dans la
première moitié des années 1990, il anime avec Irène Théry et Marie-Thérèse
Meulders-Klein, juriste belge, un réseau sur l’étude des familles recomposées.
Des années plus tard, il reviendra à cette approche en s’intéressant à la
légalisation offerte aux couples de même sexe, puis à l’histoire comparée du
mariage dans les pays nordiques.
L’étude du divorce en Russie puis du passage à l’âge adulte des jeunes en
Albanie, l’amène à prendre en compte l’effet des systèmes de protection sociale
et des solidarités privées sur les conditions de vie. Cette nouvelle direction
s’exprimera à travers les grands projets européens FELICIE puis MAGGIE, qu’il
coordonne dans les années 2000 avec Joëlle Gaymu, autour de la prise en charge
des personnes âgées de demain.
La bibliographie de Patrick Festy comprend beaucoup d’articles et
d’ouvrages écrits en solitaire. Mais Patrick Festy aimait le travail
collaboratif, notamment dans le cadre de réseaux de recherche
pluridisciplinaires ou internationaux.
C’est dans ce contexte que l’unité de recherche Comparaisons Internationales
voit le jour à son initiative. L’apport de la dimension « nation » aux études
ne pouvait que susciter l’intérêt et la soif d’expliquer de Patrick Festy.
Comparer pour comprendre. Attentif à la qualité des données et à leur
harmonisation, il conduira avec France Prioux des travaux sur les modes de
fonctionnement des grands programmes internationaux d’enquêtes sur la fécondité
et la famille puis coordonnera l’évaluation des micro-données de recensements
européens. Plus récemment, il avait supervisé la mise en place de la base de données
contextuelles du programme européen Générations et Genre.
Secrétaire général et trésorier de l’AIDELF de 1979 à 1984, Patrick Festy
s’est aussi investi dans la diffusion de la démographie en langue française.
Tous ceux qui l’ont connu appréciaient aussi son humour, sa gentillesse et
son humilité. »