Jean-Marie Grisard nous a informé du décès de notre camarade Jean-Paul Pierret, survenu le 5 février dernier.
Retraité depuis 2015, il continuait de participer au Comité de rédaction de la revue Analyse Financière, revue dans laquelle il a écrit de nombreux articles sur la stratégie, la relation actionnaires, le rôle des indices.
Il avait exercé son talent d’écrivain en publiant en janvier 2015 "L'entreprise à l'épreuve de la bourse, miroir ou mirage ?". Il y racontait, dans des pages passionnantes, les introductions en bourse d'entreprises françaises devenues aujourd'hui leaders mondiales, introductions auxquelles il avait été associé professionnellement.
Il commentait aussi l’actualité économique et politique dans sa « Lettre du Cormoran », bulletin satirique clandestin calvais.
Après y avoir évoqué début janvier 2017 la protection sociale à propos du prochain renouvellement de l’exécutif de la COMC (Conférence des Oiseaux de Mer de Calvi), sa dernière lettre du 22 janvier 2017 traitait d'une utopie politique récente.
Voici cette lettre :
L'écho du cormoran n°29 ( Bulletin satirique clandestin calvais)
« Fretin pour tous »: une utopie fashion
En période électorale foisonnent les propositions les plus inattendues.
On hésite à leur sujet entre la conviction naïve de marquer un auditoire et de se créer une image, le souci de sortir des sentiers battus, la rouerie cynique de la plus basse démagogie, ou au contraire, l'utopie sincère mais toutefois imperméable au chiffrage de la promesse.
Notre dernier bulletin abordait le thème de la protection sociale à propos du prochain renouvellement de l'exécutif de la COMC (1). Tel qu'il est aujourd'hui, nous avions conclu que le système courait à sa perte en cumulant les déficits, comblés par une dette croissante de poisson, devenue hors contrôle.
Jusque vers la fin de l'an passé, le débat se circonscrivait entre les sortants, défendant à peu de chose près un statu quo déjà irréaliste, et une opposition soucieuse d'y remettre de l'ordre et de proportionner l'assistance aux ressources réelles de notre communauté.
Mais, désespérément en quête d'image, un de ces sept candidats qui se disputent la succession, sans bien sûr accepter d'assumer la médiocrité d'un quinquennat auquel ils ont tous plus ou moins directement participé, n'a pas trouvé mieux que de pratiquer la fuite en avant sur le sujet.
Son idée géniale s'appelle « fretin pour tous », sans aucune distinction, de la tombée du nid jusqu'à la mort.
Cela revient à soigner le mal par le mal, vouloir sortir de notre surendettement par encore plus de dette, en se fondant sans doute sur l'idée que ce coup de pouce à la consommation allait relancer l'emploi, des oisillons notamment.
L’« idée » à peine évoquée, on voit au contraire les plus étourdis de nos membres, considérant la chose acquise, abandonner les séances de travaux pratiques de pêche assurées par les responsables de nichée les plus expérimentés.
Laissant là toute velléité de tenter de vivre par leur travail, assurés qu'ils se croient de pouvoir obtenir toute leur vie une subsistance assurée par le travail des autres, on les voit batifoler sur la plage, déployant complaisamment leurs ailes au soleil.
D'autres, affalés les ailes en croix sur les rochers, ne jettent même plus un œil sur les multiples éclats argentés des bancs défilant au large.
Incapables de se projeter dans l'avenir, ces malheureux volatiles ne mesurent même pas que les dotations en « fretin pour tous » seraient, au mieux, suffisantes pour assurer la pitance provisoire d'un oiseau isolé, jeune tombé du nid, solitaire, migrateur divers, mais au grand jamais pour nourrir une nichée affamée.
L’« idée » est naturellement farfelue.
- Cela reviendrait à doubler le budget de notre communauté et, faute de pouvoir sensiblement accroître les emprunts de subsistance à l'extérieur, ce sont bien entendu des prélèvements obligatoires supplémentaires sur les nichées installées qui devraient venir combler le manque.
- On sait que, pour diverses raisons, assurer notre subsistance devient problématique : l'entraînement à la pêche est moins bien assuré dans des nichées déstructurées, la ressource elle-même se fait rare du fait de la détérioration de la qualité de l'eau, les oiseaux migrateurs se multiplient du fait de l'insécurité croissante de nombreuses régions du globe déstabilisées par les vautours du grand urubu noir, ils alourdissent la ponction sur les réserves ichtyologique de la baie de Calvi.
C'est donc, bien au contraire, d'un effort supplémentaire de collecte de ressource dont nous avons besoin.
Un goéland, précédent responsable de notre communauté, avait obtenu une certaine audience avec son slogan « pêcher plus pour manger plus ». Mais ses successeurs n'avaient pas prolongé l'effort de formation des plus jeunes ni libéré la durée du temps de pêche, ni déréglementé les conditions d'activité.
Le « fretin pour tous » bat clairement en brèche le credo sur lequel est bâtie notre communauté.
Cette fausse bonne idée mise en œuvre affaiblirait à terme rapproché notre indépendance économique et, on vient de le voir, tout le savoir faire accumulé par nos ancêtres.
Il nous faut au contraire entretenir et développer les capacités de nos membres à aller encore plus loin et plus profond chercher la ressource.
Et cela ne s'obtiendra pas en se lissant nonchalamment les plumes sur le rivage.
Si vous voulez le fond de ma pensée, je crois que les volatiles qui formulent ces propositions sont persuadés qu'ils n'auront jamais l'occasion de les mettre en œuvre.
Leur véritable objectif est tout simplement de se construire une image, de prendre date pour prendre rang dans leur groupuscule.
Cela ne mériterait même pas d'être signalé sauf que, ce faisant, ces démagogues de perchoir suscitent une fois de plus, chez les plus naïfs ou les plus démunis de nos fratries, des espoirs sans lendemain.
Ils portent ainsi un discrédit sur l'ensemble de ceux d'entre nous qui tentent sincèrement de se dévouer au service de la communauté.
(1) COCM: Conférence des Oiseaux de Mer de Calvi.
Jean-Paul Pierret, le 22 janvier 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire