jeudi 25 février 2021

Christian Vulliez évoque Pierre Rosenstiehl, l'un de nos professeurs préférés

Notre camarade Christian Vulliez a évoqué son amitié avec notre professeur Pierre Rosenstiehl dans un courriel à Olivier Devergne :

" S'agissant de Pierre Rosenstiehl, je peux apporter le témoignage suivant, en souvenir - et eu égard - à ce qu'il nous a apporté, ainsi qu'à notre École.

Après notre sortie officielle de l'Ecole, j'ai continué à entretenir des relations avec Pierre Rosenstiehl pendant au moins 20 ou 25 années.
Du fait de mes fonctions d'enseignant à Jouy-en-Josas, j'ai d'abord siégé avec lui aux différents jurys de l'École, où il a continué d'enseigner pendant plusieurs années, tant que les cours d'amphithéâtre ont été maintenus.
Après en avoir été nommé Directeur, je le rencontrais fréquemment pour la préparation des différents concours de 1ère et 2ème année, auxquels j'entendais donner alors des orientations précises.
Il animait une équipe de mathématiciens qui lui étaient dévoués pour la préparation des sujets, la correction des copies, et les épreuves orales.
En effet, si notre École a progressé dans sa reconnaissance académique par d'autres institutions - telle que l'Ecole Polytechnique qui est venue s'installer à cette époque à quelques kilomètres de notre campus -, c'est en grande partie grâce à son influence et à la relation coordonnée que nous avions mis en œuvre avec d'autres Écoles scientifiques au sein de la Conférences des Grandes Écoles dont j'étais devenu Vice-Président.
Si aujourd'hui HEC et l'X proposent des enseignements communs et délivrent des diplômes sous leur double label, à parité de reconnaissance, c'est l'aboutissement d'un processus de nombreuses années, conduit de façon persévérante et opiniâtre, pour lequel il a joué un rôle majeur.

Étant devenu enseignant-chercheur à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), il a consacré ses travaux à faire progresser par la rigueur de la « MATHÉMATIQUE » (comme il disait parfois) les analyses conduisant à rendre plus rationnelles les données ou les conclusions des sciences humaines ou sociales.
Invité dans nombre de colloques et réunions scientifiques dans le monde, il fallait l'entendre raconter comment il était allé à Pékin par le Transsibérien pour faire prendre conscience à ses enfants (il en avait six) des concepts et des réalités du temps et de l'espace. Il savait aussi être un conteur !
Je pourrais faire état de bien d'autres anecdotes, mais risquerais de devenir quelque peu fastidieux.

Il y a une quinzaine d'années, un événement m'avait particulièrement ému. Ayant été nommé dans l'ordre de la Légion d'Honneur, il m'avait demandé de lui remettre cette distinction. 

Devant l’aréopage de ses amis, tous mathématiciens de valeur, je mesurais la profondeur de mes ignorances et la modestie de mes titres académiques pour faire bonne figure, alors que la plus grande partie de l'assistance aurait été bien plus qualifiée que moi pour le faire. Mais j'avais compris que c'était à celui qui était devenu son ami qu'il s'était adressé.
En parcourant son cheminement scientifique, j'avais découvert qu'il avait beaucoup travaillé sur les « labyrinthes ». J'ai pris le prétexte de cet aspect de ses travaux, souvent iconoclastes, pour ne pas ignorer une part de ses thèmes d'exploration sur un sujet dont je n'étais pas totalement ignorant, sans m'aventurer sur la plupart des autres.
Ce fut pour moi un moment de grande émotion. C'était une occasion privilégiée d'exprimer ma reconnaissance pour tout ce qu'il avait apporté à notre École et à tous ceux qui avaient bénéficié de son savoir et de ses talents de grand pédagogue, qui faisaient de lui un professeur qu'on n'oublie pas."
 
Christian Vulliez


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